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La Leçon d'allemand
Bernard Kreiss (traduit par)
Collection : Pavillons Poche
Date de parution : 01/09/2015
Éditeurs :
Robert Laffont
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La Leçon d'allemand

Bernard Kreiss (traduit par)
Collection : Pavillons Poche
Date de parution : 01/09/2015

 

 

Enfermé dans une prison pour jeunes délinquants située sur une île au large de Hambourg, Siggi Jepsen est puni pour avoir rendu une copie blanche lors d'une épreuve de rédaction....

Enfermé dans une prison pour jeunes délinquants située sur une île au large de Hambourg, Siggi Jepsen est puni pour avoir rendu une copie blanche lors d'une épreuve de rédaction. Ce n’est pas qu’il n’ait rien à dire sur le sujet « Les joies du devoir », au contraire…
Bientôt lui...

Enfermé dans une prison pour jeunes délinquants située sur une île au large de Hambourg, Siggi Jepsen est puni pour avoir rendu une copie blanche lors d'une épreuve de rédaction. Ce n’est pas qu’il n’ait rien à dire sur le sujet « Les joies du devoir », au contraire…
Bientôt lui reviennent à la mémoire les événements qui ont fait basculer sa vie. Son père, officier de police, est contraint en 1943 de faire appliquer la loi du Reich et ses mesures antisémites à l’encontre de l’un de ses amis d’enfance, le peintre Max Nansen (derrière lequel on peut reconnaître le grand Emil Nolde). À l’insu de son père, Siggi devient le confident de l’artiste et va l’aider à mettre en sécurité ses toiles clandestines. Sa passion pour l’oeuvre le conduit ainsi au refus de l’autorité paternelle et à une transgression (un vol dans une galerie) qui lui vaudra d’être condamné. Mais aux yeux de Siggi, le châtiment porte l’empreinte du zèle coupable de son géniteur. Avec ce roman d’une grande puissance éthique et affective à la fois, qui fit le bruit que l’on imagine lors de sa publication, Siegfried Lenz a rejoint d’emblée les figures majeures du Groupe 47, ces écrivains allemands – parmi lesquels on comptait Günter Grass, Heinrich Böll et Ingeborg Bachmann – qui ont assuré le « redressement » intellectuel de leur pays.

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EAN : 9782221129111
Façonnage normé : EPUB2
DRM : DRM Adobe
Robert Laffont
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EAN : 9782221129111
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Ce qu'en pensent nos lecteurs sur Babelio

  • Brize 01/02/2022
    Dans une île au large de Hambourg, Siggi Jepsen est incarcéré au sein d’un centre de détention pour jeunes délinquants. Parce qu’il a rendu une copie blanche à l’issue de la dernière leçon d’allemand, alors qu’il devait rédiger une composition sur « Les joies du devoir », il se retrouve puni, à l’isolement, obligé de se livrer à cet exercice qui lui avait paru insurmontable. Car ce thème des « joies du devoir », qui le renvoie à un passé récent, il lui est impossible de l’aborder frontalement. Pour parvenir à en cerner les douteux contours, il lui faut en effet revenir en arrière, entamer un lent processus de restitution des événements, en vue d’essayer in fine de donner un sens à l’ensemble : « Je veux rester ici, seul, tout seul dans cette cellule qui m’apparaît comme un tremplin sur lequel on m’aurait forcé de monter ; je dois descendre, je dois sauter et plonger encore et encore jusqu’à ce que j’aie tout remonté des profondeurs, tout ce puzzle de souvenirs que je voudrais reconstituer sur la table, élément par élément. » Siggi emmène alors son lecteur, pendant la seconde guerre mondiale, sur des terres balayées par le vent et battues par les vagues de la mer du Nord, dont une digue les protège, une contrée isolée mais où son père, le brigadier Jens Ole Jepsen, « responsable du poste avancé de Rugbüll, le dernier poste de police à l’extrême nord du Schleswig-Holstein », applique scrupuleusement les consignes qui lui viennent de sa hiérarchie. Aussi, lorsqu’il lui est demandé de transmettre au peintre Max Ludwig Nansen, qu’il connaît pourtant depuis toujours et qui l’a jadis sauvé de la noyade, l’interdiction de peindre décidée par Berlin, il n’hésite pas et n’a de cesse, dans la foulée, de veiller au strict respect de cette mesure … Ce qui devait n’être qu’un simple exercice de rédaction prend, au fil des pages et des cahiers qui s’accumulent sous la plume de leur jeune auteur (en même temps que la punition se voit sans cesse prolongée à sa demande), les allures d’un récit au long cours : Siggi ne peut l’interrompre avant d’être parvenu à son terme, car s’il ne va pas jusqu’au bout son texte n’aura pas de sens, il n’aura pas pu exprimer ce que « les joies du devoir » évoquent pour lui. A ses côtés, le lecteur découvre donc la vie qu’il menait à Rugbüll et sa proximité avec le peintre Max, leur voisin. Il fait connaissance de sa famille et en particulier de son père, le très rigide brigadier, qui ne veut plus entendre parler de son fils aîné Klaas, coupable de s’être automutilé pour ne pas combattre. « La leçon d’allemand », roman imposant qui prend son temps mais ne m’a pas lassée tant il m’a impressionnée, c’est d’abord un rythme, un mouvement ample dans l’écriture proche du flux et du reflux des vagues de souvenirs dont la mémoire se fait porteuse, une recherche d’un temps perdu dont Siggi demeure prisonnier. En permanence, le récit est soutenu par la voix du narrateur et ses adresses au lecteur, témoin de ses tentatives pour peindre au mieux ce qu’il veut nous donner à voir, évocation dérivant parfois à la lisière du réel. J’utilise à dessein le terme « peindre » car, dans le roman, les descriptions des paysages maritimes du Nord de l’Allemagne sont autant de tableaux qui se déploient sous nos yeux. Les toiles de Max s’inspirent aussi de ce décor naturel et se peuplent de personnages vivement colorés et aux traits fantasques, dans un style qu’on imagine expressionniste, de quoi choquer le commun des mortels … et ses chefs de l’époque, prompts à condamner pour l’éradiquer cet « art dégénéré » : « Ma mère s’arrêta de manger. Elle planta ses coudes sur la table. Elle fixa la raie impeccable de mon père et, comme de juste, elle dit : Parfois je pense que Max devrait se réjouir de cette interdiction. Quand on voit le genre d’humanité qu’il peint : ces visages verts, ces yeux mongols, ces corps difformes, toutes ces choses qui viennent d’ailleurs : on sent qu’il est malade. Un visage allemand, on n’en rencontre pas chez lui. Autrefois, oui. Mais maintenant ? La fièvre, c’est ça, tu comprends, tout est fait dans la fièvre. Mais à l’étranger, il est très connu, dit mon père, on l’apprécie beaucoup. Parce qu’ils sont eux-mêmes malades, dit ma mère ; c’est pour ça qu’ils s’entourent d’images malades. » Au travers du cas particulier du peintre Max, c’est, en filigrane, le traitement de la différence dans l’Allemagne hitlérienne qui est pointé du doigt, autant que la capacité (ou l’incapacité) de l’individu à se positionner face aux décisions d’un pouvoir arbitraire, en menant une réflexion personnelle : il n’est plus question ici des « joies » mais des « limites » du devoir. « La leçon d’allemand », c’est aussi l’histoire de Siggi, enfant puis adolescent élevé dans une maison où on ne respire bien qu’en en franchissant le seuil, dehors, jeune homme maintenant presque adulte, dont on se demande pour quelle raison il est incarcéré : un roman d’apprentissage qui n’en est pas vraiment un, comme en témoigne son dénouement, déconcertant mais réaliste. « La leçon d’allemand », c’est, enfin, une magnifique déclaration d’amour à un pays d’eau, de ciel et de vent.Dans une île au large de Hambourg, Siggi Jepsen est incarcéré au sein d’un centre de détention pour jeunes délinquants. Parce qu’il a rendu une copie blanche à l’issue de la dernière leçon d’allemand, alors qu’il devait rédiger une composition sur « Les joies du devoir », il se retrouve puni, à l’isolement, obligé de se livrer à cet exercice qui lui avait paru insurmontable. Car ce thème des « joies du devoir », qui le renvoie à un passé récent, il lui est impossible de l’aborder frontalement. Pour parvenir à en cerner les douteux contours, il lui faut en effet revenir en arrière, entamer un lent processus de restitution des événements, en vue d’essayer in fine de donner un sens à l’ensemble : « Je veux rester ici, seul, tout seul dans cette cellule qui m’apparaît comme un tremplin sur lequel on m’aurait forcé de monter ; je dois descendre, je dois sauter et plonger encore et encore jusqu’à ce que j’aie tout remonté des profondeurs, tout ce puzzle de souvenirs que je voudrais reconstituer sur la table, élément par élément. » Siggi emmène alors son lecteur, pendant la seconde guerre mondiale, sur des terres balayées par le vent et battues par...
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  • moussk12 16/01/2022
    La leçon d'allemand fut pour moi une leçon littéraire. La plume est riche mais sans difficulté de compréhension. La difficulté s'est trouvée ailleurs. 572 pages d'attention, de persévérance et de concentration. D'ailleurs, il m'a fallu une dizaine de jours pour en venir à bout mais en même temps, il m'était impossible de le lâcher. Je voulais absolument connaître l'histoire du jeune Siggi Jepsen, pourquoi il était arrivé dans un centre de rééducation pour délinquants. 1943. le père de Siggi, officier de police, est non seulement chargé de transmettre à son ami d'enfance, le peintre Max Nansen, un ordre du Reich lui interdisant de peindre, mais de le faire appliquer. Un ordre se devant d'être suivi, le devoir interdisant toute considération personnelle, l'officier Jepsen mettra tout en oeuvre pour faire appliquer la loi. Il infligera au peintre une surveillance constante de jour comme de nuit, au point que cela en deviendra une obsession maladive. Pour Siggi, le peintre Nansen qui est également son oncle, devient très vite une seconde figure paternelle avec laquelle il peut se libérer de ses craintes, parler sans retenue et surtout observer la naissance des tableaux. Personnages de la vie de tous les jours, figures expressives décuplées par une richesse de couleurs qui donnent toute l'intensité aux scènes décrites. Tiraillé entre son père qui lui ordonne d'être son espion personnel et entre le peintre à qui il voue une admiration sans borne, Siggi sera témoin, comme nous lecteurs, de scènes difficiles, de la mort, de conversations malsaines, de tensions quasi constantes et n'aura plus qu'un seul désir : préserver les tableaux de la folie grandissante de son père. Ce très beau roman est fort singulier dans sa conception car il est constitué de très nombreuses descriptions. Siggi nous raconte son histoire en détaillant chaque pièce, chaque paysage, chaque scène, sans rien omettre. Il prépare le lecteur à bien visualiser les lieux, comme si c'était des tableaux. En fait, il nous aide à aborder la lecture des tableaux de sa vie. Un livre qui demande donc une attention soutenue. Mais l'histoire de ce jeune Siggi, autant éprouvante qu'émouvante, est tellement belle, le sujet du livre et le contexte sont si intéressants, que je ne peux que le recommander. Et pour ceux qui s'intéressent à la petite histoire, après la lecture, je me suis interrogée sur l'existence réelle ou non du peintre. Après une brève recherche sur Internet, j'ai pu lire que l'auteur s'est inspiré de la vie d'Emil Nolde, pour le peintre Max Nansen. Un article du journal le Monde, en 2019, reprend  d'ailleurs : « 63 ans après sa mort, Emil Nolde est sommé de rendre des comptes. A titre posthume. Celui qui a été le peintre le plus populaire de la République de Weimar avant de devenir le symbole de « l'art dégénéré » pour les nazis puis, après la seconde guerre mondiale, une icône de la modernité, est en train de tomber de son piédestal.  (...) Peu après sa mort, la Fondation avait présenté dans une salle spéciale Les Tableaux non peints, série d'aquarelles réalisées alors qu'il lui était interdit d'exercer par les nazis. Surtout, le roman La Leçon d'allemand, de Siegfried Lenz, publié en 1968 et devenu un classique de la littérature allemande, a fait de ces Tableaux non peints un symbole de la résistance artistique face à la tyrannie : le livre, qui s'inspire de la vie d'Emil Nolde, raconte les déboires d'un certain Max Ludwig Nansen sous le nazisme, contraint de peindre des « peintures invisibles ».   Intéressant, non ? La leçon d'allemand fut pour moi une leçon littéraire. La plume est riche mais sans difficulté de compréhension. La difficulté s'est trouvée ailleurs. 572 pages d'attention, de persévérance et de concentration. D'ailleurs, il m'a fallu une dizaine de jours pour en venir à bout mais en même temps, il m'était impossible de le lâcher. Je voulais absolument connaître l'histoire du jeune Siggi Jepsen, pourquoi il était arrivé dans un centre de rééducation pour délinquants. 1943. le père de Siggi, officier de police, est non seulement chargé de transmettre à son ami d'enfance, le peintre Max Nansen, un ordre du Reich lui interdisant de peindre, mais de le faire appliquer. Un ordre se devant d'être suivi, le devoir interdisant toute considération personnelle, l'officier Jepsen mettra tout en oeuvre pour faire appliquer la loi. Il infligera au peintre une surveillance constante de jour comme de nuit, au point que cela en deviendra une obsession maladive. Pour Siggi, le peintre Nansen qui est également son oncle, devient très vite une seconde figure paternelle avec laquelle il peut se libérer de ses craintes, parler sans retenue et surtout observer la naissance des tableaux. Personnages de la vie de tous les jours, figures expressives décuplées par une...
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  • Libellule41 12/01/2022
    Ce roman évoque pour moi un ensemble de tableaux correspondant à chacun des 20 chapitres qui, en effet ressemblent à des peintures: il y a un décor constitué par un paysage et il y a des personnages qui habitent ce paysage en y inscrivant des scènes de vie. A l'instar d'une exposition qui rassemblerait ces tableaux sous un titre et un thème général, il y a en arrière-plan la seconde guerre mondiale et l'immédiat après-guerre dans un land de l'Allemagne du Nord, ainsi qu'une réflexion sur les limites du devoir, sur la responsabilité de chacun face aux ordres donnés et, au delà, la responsabilité collective de toute une nation. Siegfried Lenz décrit dans ce livre, avec la lenteur et la minutie d'un écrivain classique, des scènes de vie que l'on peut partager en deux groupes: Les premiers évoquent le début des années 50 dans un centre de rééducation pour jeunes délinquants, situé sur une petite île à l'embouchure de l'Elbe, et dans lequel a été conduit le jeune Siggi Jepsen pour y effectuer une punition, celle de rédiger une composition allemande sur "les joies du devoir", un exercice auquel il s'était soustrait précédemment. Pendant plus de trois mois, avec un acharnement qui surprend son entourage, il va se livrer à l'écriture d'un texte et le ramener aux années de guerre dans son village natal au bord de la mer du Nord, non loin de la frontière danoise. Il avait alors une dizaine d'années et son père y exerçait la fonction de brigadier. Les autres évoquent donc ce village côtier avec sa petite communauté d'habitants. Là encore un cadre, celui des rivages mélancoliques de la mer du Nord, brumeux, souvent venteux, ensoleillés parfois en été, et un ensemble de villageois qui traverse vaille que vaille les années de guerre, et au milieu duquel deux personnages vont émerger dans le souvenir du narrateur, son père, fonctionnaire de police, et un peintre talentueux dont les tableaux n'ont pas la faveur des dirigeants nazis, et à qui vont être signifiées l'interdiction de peindre à l'avenir et la confiscation de ses oeuvres. La mission est confiée au brigadier local, Jens Jepsen, qui, malgré leur amitié, va accomplir scrupuleusement son travail. L'enfant observe, s'interroge, et finit par prendre parti. La narration est remarquable. L'auteur dépeint avec précision des paysages, des portraits, des postures, des personnalités, des mouvements et des pauses. Mais la longueur de certains chapitres et l'abondance de détails fournis, rendent parfois la lecture du livre fastidieuse. Un bémol donc.Ce roman évoque pour moi un ensemble de tableaux correspondant à chacun des 20 chapitres qui, en effet ressemblent à des peintures: il y a un décor constitué par un paysage et il y a des personnages qui habitent ce paysage en y inscrivant des scènes de vie. A l'instar d'une exposition qui rassemblerait ces tableaux sous un titre et un thème général, il y a en arrière-plan la seconde guerre mondiale et l'immédiat après-guerre dans un land de l'Allemagne du Nord, ainsi qu'une réflexion sur les limites du devoir, sur la responsabilité de chacun face aux ordres donnés et, au delà, la responsabilité collective de toute une nation. Siegfried Lenz décrit dans ce livre, avec la lenteur et la minutie d'un écrivain classique, des scènes de vie que l'on peut partager en deux groupes: Les premiers évoquent le début des années 50 dans un centre de rééducation pour jeunes délinquants, situé sur une petite île à l'embouchure de l'Elbe, et dans lequel a été conduit le jeune Siggi Jepsen pour y effectuer une punition, celle de rédiger une composition allemande sur "les joies du devoir", un exercice auquel il s'était soustrait précédemment. Pendant plus de trois mois, avec...
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  • Dandine 13/11/2021
    “Il valait - il vaut toujours la peine chez nous - de suivre des yeux quelqu'un qui s'eloigne et dont la silhouette se decoupe dans le ciel. C'est tout naturellement qu'on fait halte dans ces cas-la pour concentrer son attention sur les rapports de l'espace et du mouvement. Et chaque fois, on peut se convaincre de la superiorite ecrasante de l'horizon.” Siegfried Lenz reussit a merveille a reproduire ce plat pays ou il nous transporte. L'Elbe arrivant en mer du Nord par un estuaire ou l'eau et la terre se melangent. L'eau partout et de partout. Les hautes vagues de la mer, blanches sous un ciel noir. Les canaux sous les digues. La pluie qui enfange les sols. Et le vent, le vent qui force a avancer penche, qui s'infiltre entre les couches de vetements et les rainures des murs. Ces descriptions de paysages, de leur nature, auraient suffi a me faire apprecier le livre. Mais il y a plus. Beaucoup plus. 1944. La machine de guerre nazie croule. La fin est previsible, sinon carrement visible. Mais en ses territoires, propres ou conquis, le regime s'acharne. Lenz ecrit l'acharnement contre les artistes “degeneres”. On interdit a un peintre de continuer a peindre. Mais il ne peut s'arreter. Peut-on arreter de respirer? Il peint alors des “peintures invisibles”. Et meme celles-la on les lui prendra, volera, brulera. Lenz s'est inspire de la vie et des vicissitudes d'un artiste reel, Emil Nolde. Nolde avait adhere au parti nazi, c'etait un anti-semite notoire, mais ses oeuvres, expressionnistes, grotesques, aux couleurs truculentes, avaient fini par le designer comme “degenere”. Elles sont confisquees et nombreuses d'elles detruites. Il se retire alors a Seebull dans le nord et produit en cachette des aquarelles qu'il appelle “ses tableaux non-peints”. Dans le livre, Seebull deviendra Rugbull, et Nolde sera denomme Nansen (recouvrant le vrai nom de Nolde, Hansen). Par le personnage du peintre, Lenz rapporte les vacillations de l'artiste, ses deliberations interieures, ses doutes, et nous dispense une etude de la couleur et de la lumiere, a travers les legeres differences de tons, a travers les contrastes de couleurs qui les marient en fin de compte. Comment un artiste se debat pour exprimer son monde, comment il arrive a faire surgir un monde ou personne n'est a sa place, ou les heros ne sont jamais vainqueurs, mais toujours souffrants ou faisant souffrir. Un monde ou les couleurs peuvent donner des frissons. Cette reflexion sur l'art et les debats interieurs de l'artiste suffirait a me faire gouter ce livre. Mais il y a plus, beaucoup plus. Un peintre est interdit de peinture. C'est un policier rural qui doit le lui annoncer, et le controller, s'assurer qu'il n'enfreint pas l'interdiction. Dans cette region rurale, dans ces petits patelins, tout le monde se connait. le peintre et le policier sont amis, ils ont grandi ensemble et le peintre a meme, dans leur jeunesse, sauve la vie au policier. Mais celui-ci a recu un ordre, et il a le sens du devoir, il s'acharnera a remplir cet ordre a la lettre. Son “devoir”, il l'accomplira fanatiquement. Cela comptera plus que tout, que l'amitie, que la logique, au prix de detruire sa propre famille. Il l'accomplira avec une tenacite aveugle, une obstination rageuse qui continuera meme apres la chute du regime. Il ne peut questionner ses ordres, son “devoir”, qui deviendra sa maladie. Par l'entremise du policier, Lenz s'attaque a la responsabilite, non du regime, non de l'Allemagne, mais de chaque allemand. Il pose le grand dilemme, universel, de tous ceux qui recoivent un ordre, de tous ceux qui accomplissent une mission: ne se doivent-ils pas de jauger cet ordre a l'aune d'une ethique humaine, de valeurs morales? Et comment le faire? Et quel en est le prix? Comment mettre ce prix envisage dans la balance? Qui est capable de peser cela? Combien en seraient, en sont capables? Combien seraient, sont capables de l'assumer? Quand et comment l'indifference, l'inconstance, deviennent lachete? Et est-ce que la faiblesse humaine peut faire pardonner, absoudre, l'abandon moral? Lenz nous force a reflechir aux responsabilites de chaque homme, qui redoublent en temps de crise. Il suffirait de cela pour me pousser a louanger ce livre. Mais il y a plus. La lecon d'allemand est la punition d'un jeune delinquant, Siggi (diminutif de Siegfried...), enferme dans une maison de re-education au bord de l'Elbe, en 1954. le pensum qu'il doit ecrire sur “les joies du devoir”. Il ecrit et ecrit, et n'arrete pas d'ecrire. Ses souvenirs. Lenz melange en virtuose ce que Siggi ecrit et ce qui se passe reellement pendant sa detention. le lecteur finira par savoir, en fin de livre, pourquoi il est detenu, quelle est sa faute. Mais le gros des armees de Cesar, le gros du livre, sont les souvenirs d'enfance et de jeunesse que Siggi couche sur le papier. A Rugbull, pres de la mer du Nord, pres de la frontiere denoise. Dechire entre un pere autoritaire a l'extreme, policier imbu de la superiorite de sa charge et mu par un sens du “devoir” exacerbe, jamais mis en cause, jamais mis en question, et un “oncle” peintre, qu'il admire et qui lui octroie le peu de chaleur humaine dont il a besoin. Son pere le somme d'espionner le peintre, alors que ce dernier representera pour lui la generosite, un certain altruisme, et s'aidera de lui pour cacher ses oeuvres. Il l'introduira aux mysteres de la couleur, a la valeur de l'art, et Siggi deviendra un amateur inspire, puis un collectionneur enflamme, frenetique, developpant une phobie malsaine l'amenant apres la fin de la guerre a voler des oeuvres d'art et les cacher, de peur qu'elles ne soient detruites. Siggi aussi developpera donc, malgre lui, un sens de la responsabilite, du devoir, qui annihilera tout concept de faute, toute pensée de culpabilite. Arrete, juge, inculpe, enferme, il ecrira des cahiers entiers sur “les joies du devoir”, beaucoup plus que ne lui demandaient ses maitres, ses geoliers, pour essayer de comprendre ce qu'a signifie dans sa vie le devoir, les differents sens donnes a ce terme par differentes personnes de son entourage et l'influence que cela a eu sur lui, pour le meilleur et pour le pire. Et le lecteur ne sait si compatir ou accuser. Lenz excelle a nuancer le personnage, ses doutes, ses tergiversations, et en fin de compte son acharnement, sa folie. Il excelle a eveiller notre empathie, malgre tout. C'est une victime, qui nous renvoie a l'ancienne interrogation-indignation soulevee par le prophete Jeremie: “les peres ont mange du verjus et les dents des enfants en sont agacees?”. Siggi est le sacrifie qu'ont porte ses parents, la generation de ses parents sur l'autel du devoir. Oui, il est un personnage touchant. Mais Lenz a fait plus que planter un personage. Beaucoup plus. Ce livre est l'opus magnum de Lenz. Une des plus grandes oeuvres de la literature allemande d'apres guerre. Une ecriture splendide. Majestueuse dans ses descriptions de l'environnement, de la nature. Admirable dans les questions qu'elle souleve, dans le domaine de l'ethique et dans le domaine de l'art. Fastueuse dans la profusion de details de la vie quotidienne, de gestes qu'on arrive a voir, realistes comme des photos prises a l'insu de leurs protagonistes. Ce livre ne m'a pas ete qu'un plaisir de lecture. Plus que ca. Beaucoup plus. “Il valait - il vaut toujours la peine chez nous - de suivre des yeux quelqu'un qui s'eloigne et dont la silhouette se decoupe dans le ciel. C'est tout naturellement qu'on fait halte dans ces cas-la pour concentrer son attention sur les rapports de l'espace et du mouvement. Et chaque fois, on peut se convaincre de la superiorite ecrasante de l'horizon.” Siegfried Lenz reussit a merveille a reproduire ce plat pays ou il nous transporte. L'Elbe arrivant en mer du Nord par un estuaire ou l'eau et la terre se melangent. L'eau partout et de partout. Les hautes vagues de la mer, blanches sous un ciel noir. Les canaux sous les digues. La pluie qui enfange les sols. Et le vent, le vent qui force a avancer penche, qui s'infiltre entre les couches de vetements et les rainures des murs. Ces descriptions de paysages, de leur nature, auraient suffi a me faire apprecier le livre. Mais il y a plus. Beaucoup plus. 1944. La machine de guerre nazie croule. La fin est previsible, sinon carrement visible. Mais en ses territoires, propres ou conquis, le regime s'acharne. Lenz ecrit l'acharnement contre les artistes “degeneres”. On interdit a un peintre de continuer a peindre....
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  • luocine 08/11/2021
    Surtout ne pas se fier à la quatrième de couverture qui raconte vraiment n’importe quoi : En 1943 son père , officier de police , est contraint de faire appliquer la loi du Reich et ses mesures antisémites à l’encontre de l’un de ses amis d’enfance, le peintre Max Nansen. Il y a deux choses de vraies dans cette phrase, le père du narrateur est bien chef de la police local, et nous sommes en 1943 . Deux choses fausses, le père policier n’applique pas des mesures antisémites à Max Nansen qui d’ailleurs n’est pas juif , mais il applique des mesures qui combattent l’art dégénéré . Il n’est pas « contraint » de le faire, et ce mot trahit complètement le sens du roman, le chef de la police de Rugbüll éprouve une joie profonde à appliquer toutes les mesures qui relève de son « DEVOIR » . (J’attribue à cette quatrième de couverture la palme de l’absurdité du genre) le roman se passe en deux endroits différents, le jeune Siggi Jepsen est interné dans une maison pour délinquants sur une île et doit s’acquitter d’une punition car il a rendu copie blanche à son devoir d’allemand sur le « sens du devoir ». Il explique que ce n’est pas parce qu’il n’a rien à dire mais, au contraire, parce qu’il a trop de choses à dire. Commence alors, la rédaction de ses cahiers qui nous ramènent en 1943 à Rugbüll un petit village rural du nord de l’Allemagne dans la province du Schleswig-Holstein. Une région de tourbières et de marais. Le père de Jens, le policier local est très fier de ses fonctions. Le devoir, c’est ce qui le fait tenir droit dans ses bottes comme tous les allemands de l’époque. Le deuxième personnage du récit c’est un peintre Max Ludwig Nansen dont les tableaux ne plaisent pas au régime en place. Tout ce qui est dit sur ce peintre nous ramène à Nodle qui effectivement a peint cette région et a été interdit de peindre en 1943, car sa peinture a été qualifiée d’art dégénéré, alors que lui même avait adhéré au partit Nazi et était très profondément antisémite, (Angela Merkel a fait enlever ses tableaux de la chancellerie à Berlin, pour cette raison) . Rien de tout cela dans le roman, mais une évocation saisissante de la peinture de Nodle qui a compris mieux que quiconque, sans doute, la beauté des paysages de cette région.Surtout ne pas se fier à la quatrième de couverture qui raconte vraiment n’importe quoi : En 1943 son père , officier de police , est contraint de faire appliquer la loi du Reich et ses mesures antisémites à l’encontre de l’un de ses amis d’enfance, le peintre Max Nansen. Il y a deux choses de vraies dans cette phrase, le père du narrateur est bien chef de la police local, et nous sommes en 1943 . Deux choses fausses, le père policier n’applique pas des mesures antisémites à Max Nansen qui d’ailleurs n’est pas juif , mais il applique des mesures qui combattent l’art dégénéré . Il n’est pas « contraint » de le faire, et ce mot trahit complètement le sens du roman, le chef de la police de Rugbüll éprouve une joie profonde à appliquer toutes les mesures qui relève de son « DEVOIR » . (J’attribue à cette quatrième de couverture la palme de l’absurdité du genre) le roman se passe en deux endroits différents, le jeune Siggi Jepsen est interné dans une maison pour délinquants sur une île et doit s’acquitter d’une punition car il a rendu copie blanche à son devoir d’allemand sur le « sens du...
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