Amerigo Vespucci
Amerigo Vespucci (1454-1512), personnage méconnu et injustement condamné au tribunal de l’Histoire, a pourtant donné, sinon son nom, du moins son prénom, au Nouveau Monde atteint en premier par Christophe Colomb : l’Amérique. Cadet d’une famille de négociants toscans de la Renaissance, après une jeunesse dans la Florence de Laurent le Magnifique, de Botticelli et de Ficin, il fait partie d’une mission diplomatique à la cour de Louis XI de France. De retour à Florence, Vespucci devient représentant de l’une des banques Médicis à Séville. Il y arrive en 1492, année de la prise de Grenade, dernier royaume musulman dans la péninsule Ibérique, de l’expulsion des juifs d’Espagne et du départ de Christophe Colomb, dont Vespucci deviendra l’un des armateurs. Avec la chute des Médicis à Florence et la dictature théocratique de Savonarole, la succursale sévillane doit fermer. Ruiné, Amerigo met au service des rois d’Espagne ses talents de géographe. Il fait ainsi quatre voyages d’exploration, découvre la Floride, le golfe du Mexique, le Venezuela, la Guyane, reconnaît toute la côte brésilienne et atteint la Patagonie. Ses deux derniers voyages se font à bord de caravelles portugaises. Il doit en effet déterminer par où passe la longitude de Tordesillas, ligne frontière entre les possessions des deux puissances maritimes rivales. Il tire la conclusion de ces voyages que ces terres découvertes sont un nouveau continent, et non les Indes et le Cathay, comme le croit toujours Colomb. De retour à Séville, il est nommé «pilote major» de la Casa de Contratación, qui est tout à la fois le Houston et le Bercy des navigations espagnoles. Il y organise les expéditions et collecte cartes et documents des conquistadors. Sa réputation de découvreur du Nouveau Monde parvient, de son vivant, jusque dans les Vosges, à Saint-Dié, où le cartographe Waldseemüller donne à ce quatrième continent le prénom latinisé et féminisé de Vespucci : America. Vespucci a raconté brièvement ses voyages à ses amis de Florence dans des lettres montrant un esprit d’une étonnante modernité, typique de la Renaissance italienne : érudition, ironie, légèreté et profondeur, rationalisme, ce que ne lui pardonnera pas la littérature romantique, préférant les obscurs et mystiques tourments de Christophe Colomb. On lui contestera même la réalité de ses voyages d’exploration. Vespucci fut pourtant un des personnages centraux de la découverte du Nouveau Monde, entretenant de bonnes relations avec ses pairs, dont Colomb. Malgré la publication récente de l’intégralité de ses rares écrits, son procès en réhabilitation n’est toujours pas ouvert. Il est vrai que sa vie comporte de larges zones d’ombre, interdisant aux historiens d’en faire une biographie exhaustive.