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Les Saisons de Giacomo
Claude Ambroise (traduit par), Sabina Zanon Dal Bo (traduit par)
Collection : Pavillons Poche
Date de parution : 06/12/2016
Éditeurs :
Robert Laffont

Les Saisons de Giacomo

Claude Ambroise (traduit par), Sabina Zanon Dal Bo (traduit par)
Collection : Pavillons Poche
Date de parution : 06/12/2016
« Les livres de Rigoni Stern sont comme des contes chuchotés à voix basse, dans lesquels, chemin faisant, il confie au lecteur tout ce qu’il a vécu de la beauté comme de l’horreur du monde. » François Maspero.
Un homme se penche sur le passé du pays de son enfance. Nous sommes dans le Haut-Adige, après la Deuxième Guerre mondiale, sur cette montagne vénitienne dévastée par d'âpres combats.... Un homme se penche sur le passé du pays de son enfance. Nous sommes dans le Haut-Adige, après la Deuxième Guerre mondiale, sur cette montagne vénitienne dévastée par d'âpres combats. Au fil d'une série de flash-back, le narrateur - qui n'est autre que l'auteur - se souvient des années de... Un homme se penche sur le passé du pays de son enfance. Nous sommes dans le Haut-Adige, après la Deuxième Guerre mondiale, sur cette montagne vénitienne dévastée par d'âpres combats. Au fil d'une série de flash-back, le narrateur - qui n'est autre que l'auteur - se souvient des années de misère qui avaient déjà suivi la Grande Guerre. De son ami Giacomo, qui exhumait le cuivre des obus et des bombes de 14-18, de l'exil des pères vers la Lorraine ou l'Amérique, de la montée du fascisme... Ecologiste avant la lettre, Rigoni Stern chante ici la terre de son pays avec une économie de moyens qui force l'admiration, lyrique et moderne à la fois. La célébration des valeurs éternelles d'une terre de fraternité prend ainsi un caractère universel.
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EAN : 9782221197240
Façonnage normé : POCHE
Nombre de pages : 240
Format : 122 x 182 mm
EAN : 9782221197240
Façonnage normé : POCHE
Nombre de pages : 240
Format : 122 x 182 mm

Ce qu'en pensent nos lecteurs sur Babelio

  • Nastasia-B 31/01/2024
    Mario Rigoni Stern, ou le triomphe de l'authenticité... Car, voyez-vous, ce n'est pas un écrivain à style ; non, il s'efface derrière son histoire, ses anecdotes : à l'inverse d'un Jean Echenoz dans Je m'en vais, il veut qu'on l'oublie. Mais il a ses raisons le Mario, il sait que ses histoires sont épaisses comme les murs d'une forteresse, qu'elles se suffisent à elles-mêmes, sans qu'il soit besoin d'y rien ajouter. Alors, discrètement, il nous les raconte, sachant très bien qu'on sera emportés par elles. Pas d'artifice, jamais ; du fond, du fond, rien que du fond. Et pourtant, c'est très bien fait, car bien évidemment, tout cela n'est qu'une illusion et il faut être un drôle de conteur pour parvenir à narrer, sans avoir l'air d'y toucher, un pan entier de l'histoire du monde rural italien, en pleine période fasciste de l'entre-deux guerres. Le tour de force est là ; donner l'illusion que ça coule tout seul, que c'est évident, que c'est aisé comme le cours de la parole. Mais non, mes chers amis, rien n'est simple en ce bas monde, et c'est un fier travail que de faire croire qu'il n'y en a pas. J'y perçois en tout cas un bel hommage à ces habitants d'un monde qui n'existe plus, qu'il nous adresse, tel un legs. Ainsi, l'auteur nous raconte Giacomo, un enfant né au pied des Alpes, tout au nord de la Vénétie, à deux pas des frontières autrichienne et yougoslave de l'époque. Ce petit bonhomme a dû naître en quelque chose comme 1920 et Rigoni Stern débute sa narration autour de 1928, pour nous la dérouler jusqu'en 1942, en pleine seconde guerre mondiale. On se rend bien compte de ce que c'était que la vie dans ce rude milieu rural et montagnard, où la brûlante problématique, chaque jour, de savoir quoi manger le soir occupait pas mal les esprits. Lui, Giacomo, qui vit avec sa soeur aînée, sa mère et sa grand-mère, est un brave petit gars, pas mauvais à l'école, qui aide bien sa famille et qui n'a pas trop le temps de penser à faire des bêtises. C'est lui l'homme de la famille, car son père, pauvreté et famine aidant, a été contraint d'émigrer pour un temps dans les mirifiques mines de Lorraine afin de faire, bien laborieusement, parvenir, de temps en temps, un petit pécule à la famille, lequel pécule se retrouve bien souvent englouti rien que pour régler les dettes et subvenir aux affaires courantes. Car là-bas, chaque centime a son utilité ; on ne jette rien et on récupère tout, on use, on archi-use tout jusqu'à la corde car on ne sait pas quand on pourra s'en acheter un neuf. le système d doit souvent se mettre à l'ouvrage... Oui, elle est bien dure cette vie, et les principales joies résident dans la beauté du cadre, la solidité de la famille et la cohésion des villageois du hameau, qui se serrent les coudes, car tous embarqués dans la même galère. Le gros problème, ici bas, c'est l'emploi, vous comprenez, et finalement, pour améliorer moindrement le quotidien, la principale source de revenus et d'activité dans la région, c'est d'aller récupérer les métaux et la poudre des diverses munitions et obus tombés lors de la grande bataille avec les Autrichiens en 1917. le plomb, le fer, le cuivre, le laiton, chaque villageois récupérateur est devenu un expert en reconnaissance de type de munition, adeptes du recyclage avant l'heure. Ainsi, la poudre est savamment extraite pour être revendue aux chasseurs... Mais vous vous doutez bien qu'une telle activité n'est pas tout à fait dénuée de risques. Nombreux sont ceux qui ont perdu un bras, un oeil, ou mieux encore, je vous laisse imaginer. La guerre est finie depuis dix ans, quinze ans, mais elle continue encore à tuer... Sans compter que notre grand ami Benito Mussolini instaure un grand régime de grande tolérance et qu'il fait grand bonheur à ne pas partager ses idées. La délation va bon train et il faut se méfier de chacune de ses propres paroles qui peuvent constituer un chef d'accusation. Les ruines de la première guerre mondiale, la mise en place du fascisme dans toute sa splendeur et la crise économique, trois bonnes raisons d'avoir le moral en berne dans cette Italie-là. Pas facile de se construire ni de trouver sa place pour le petit Giacomo, qui peu à peu devient un homme, saison après saison, chacune ayant ses bonheurs et ses difficultés propres. Un livre fort, sans chichi, qui nous fait affectionner ces villageois et compatir à leurs malheurs, sans jamais jouer dans le pathos, sans oublier un final coup de poing, qui ne saurait vous laisser de marbre, du moins c'est mon avis, pas de saison, c'est-à-dire, pas grand-chose.Mario Rigoni Stern, ou le triomphe de l'authenticité... Car, voyez-vous, ce n'est pas un écrivain à style ; non, il s'efface derrière son histoire, ses anecdotes : à l'inverse d'un Jean Echenoz dans Je m'en vais, il veut qu'on l'oublie. Mais il a ses raisons le Mario, il sait que ses histoires sont épaisses comme les murs d'une forteresse, qu'elles se suffisent à elles-mêmes, sans qu'il soit besoin d'y rien ajouter. Alors, discrètement, il nous les raconte, sachant très bien qu'on sera emportés par elles. Pas d'artifice, jamais ; du fond, du fond, rien que du fond. Et pourtant, c'est très bien fait, car bien évidemment, tout cela n'est qu'une illusion et il faut être un drôle de conteur pour parvenir à narrer, sans avoir l'air d'y toucher, un pan entier de l'histoire du monde rural italien, en pleine période fasciste de l'entre-deux guerres. Le tour de force est là ; donner l'illusion que ça coule tout seul, que c'est évident, que c'est aisé comme le cours de la parole. Mais non, mes chers amis, rien n'est simple en ce bas monde, et c'est un fier travail que de faire croire qu'il n'y en a pas. J'y perçois en tout cas un...
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  • Etsionbouquinait 07/06/2022
    C’est un peu par hasard, en furetant chez un bouquiniste, que je suis tombé sur le livre Les saisons de Giacomo, de Mario Rigoni Stern, un écrivain majeur de la littérature italienne du XXème siècle. Originaire du Nord de l’Italie, à proximité de la frontière autrichienne, il nous livre ici les souvenirs de sa région et de son copain d’école Giacomo. Avec un ouvrage pourtant « très ancré » dans la région et la période qu’il traite (entre-deux guerres), l’écrivain réussit à nous offrir un récit à la portée très universelle. Les premières pages évoquent un village partiellement à l’abandon suite à la Guerre. L’auteur-narrateur entre dans la maison où son copain d’école Giacomo était né et avait vécu jusqu’à 20 ans, et qui est désormais à l’abandon. Il nous plonge alors dans ses souvenirs, de l’année 1928 et de sa terrible sécheresse, jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale. La première chose qui frappe dans ce livre est la condition difficile dans laquelle vivent les habitants. Il s’agit davantage d’une survie et beaucoup d’entre eux sont obligés de choisir l’émigration, comme le père de Giacomo, qui part ainsi pendant trois ans travailler dans les mines en Lorraine. Cette vie très modeste est aussi le lot de Giacomo : obligé d’arrêter tôt l’école, on le voit ainsi ramassant des billes de plomb et de cuivre sur d’anciens champs de batailles pour se payer un billet de cinéma. Et il n’est pas le seul. C’est l’occupation majeure des hommes dans cette région ; on les appelle d’ailleurs « les récupérateurs ». Les reliquats de la Première Guerre Mondiale sont omniprésents dans la région, qui a vu s’affronter les troupes italiennes et autrichiennes. On recherche toute sorte de métal qu’on peut ensuite revendre, parfois au péril de sa vie. Ce sont parfois des corps de soldats que l’on déterre, et l’on devine la critique de la guerre par Mario Rigoni Stern : Si la guerre a fait tant de dégâts dans cette région, il semble que les leçons n’en aient pas encore été tirées. Sur les restes d’une précédente guerre, sans le savoir, on préparait la prochaine. On construit par exemple un ossuaire qui, au lieu d’être un lieu de témoignage sur les sacrifices de la guerre et une mise en garde à l’attention des jeunes générations, sert à appuyer des discours patriotiques. Oui, nous sommes bien dans l’Italie de Mussolini, qui cherche à magnifier l’histoire du pays. On s’aperçoit également que si les jeunes adhèrent aux Jeunes Fascistes, c’est moins par conviction politique que pour glaner quelques petits avantages, comme l’obtention d’un équipement de ski gratuit… mais la guerre aura tôt fait de les rattraper. J’ai beaucoup aimé ce livre, simple, authentique, proche des gens et de la région qu’il décrit, mais qui nous met en garde contre les guerres, les ravages qu’elles occasionnent. Je vous recommande vivement de vous plonger dans Les saisons de Giacomo. C’est un peu par hasard, en furetant chez un bouquiniste, que je suis tombé sur le livre Les saisons de Giacomo, de Mario Rigoni Stern, un écrivain majeur de la littérature italienne du XXème siècle. Originaire du Nord de l’Italie, à proximité de la frontière autrichienne, il nous livre ici les souvenirs de sa région et de son copain d’école Giacomo. Avec un ouvrage pourtant « très ancré » dans la région et la période qu’il traite (entre-deux guerres), l’écrivain réussit à nous offrir un récit à la portée très universelle. Les premières pages évoquent un village partiellement à l’abandon suite à la Guerre. L’auteur-narrateur entre dans la maison où son copain d’école Giacomo était né et avait vécu jusqu’à 20 ans, et qui est désormais à l’abandon. Il nous plonge alors dans ses souvenirs, de l’année 1928 et de sa terrible sécheresse, jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale. La première chose qui frappe dans ce livre est la condition difficile dans laquelle vivent les habitants. Il s’agit davantage d’une survie et beaucoup d’entre eux sont obligés de choisir l’émigration, comme le père de Giacomo, qui part ainsi pendant trois ans travailler dans les mines en Lorraine. Cette vie très modeste est aussi le...
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  • Kez 02/03/2022
    C’est un livre surprenant. Stern est comparé dans la présentation du livre à Primo Levi et Italo Calvino… Adorant Calvino et aillant été très émue par « Si c’est un homme », j’avoue être restée un peu sur ma faim car avec de telles comparaisons, je m’attendais à autre chose mais c’est le seul bémol. L’entre deux guerre en Italie dans une région montagneuse à la frontière de l’Autriche, on découvre le quotidien de Giacomo, sa famille, ses amis. Un univers où la misère est très présente. Giacomo et sa famille survivent grâce à la récupération de métaux trouvés dans les champs de bataille lorsque la neige ne recouvre pas tout. Son père, qui a fait la guerre lui apprend les rudiments du métier. Il lui explique également les mouvements des différentes divisions et lui montre toute la futilité de ces guerres. L’hiver, ce père émigre d’abord en France, puis en Suisse, et enfin en Afrique. Les femmes et Giacomo restent au village. Peu à peu le fascisme prend une place de plus en plus importante dans la vie du village et dans la vie des gens. Implications qui ne sont pas toujours visibles ni vraiment comprises… Et puis arrive la seconde guerre mondiale. Un livre qui raconte la vie campagnarde. Un livre qui décrit d’une façon simple une tranche de vie, une époque révolue, sans être gnian-gnian. Un livre qui n’embellit pas la misère mais qui ne méprise pas les gens concernés. Une écriture simple, peut-être un peu datée, qui montre la misère sans la caricaturée. C’est un livre qui m’a beaucoup appris sur l’histoire de l’Italie de l’entre deux guerre avec la montée du Duce. Une époque où les informations circulaient lentement, où la religion jouaient un rôle important même si il est peu décrit (la foire de la St Mathieu). Dès la seconde page, cette phrase m’a beaucoup plu : « Le silence et la pénombre étaient remplis de souvenirs qui semblaient demander la parole. » Un grand merci à blog-o-book qui m'a permis de découvrir cet auteur. C’est un livre surprenant. Stern est comparé dans la présentation du livre à Primo Levi et Italo Calvino… Adorant Calvino et aillant été très émue par « Si c’est un homme », j’avoue être restée un peu sur ma faim car avec de telles comparaisons, je m’attendais à autre chose mais c’est le seul bémol. L’entre deux guerre en Italie dans une région montagneuse à la frontière de l’Autriche, on découvre le quotidien de Giacomo, sa famille, ses amis. Un univers où la misère est très présente. Giacomo et sa famille survivent grâce à la récupération de métaux trouvés dans les champs de bataille lorsque la neige ne recouvre pas tout. Son père, qui a fait la guerre lui apprend les rudiments du métier. Il lui explique également les mouvements des différentes divisions et lui montre toute la futilité de ces guerres. L’hiver, ce père émigre d’abord en France, puis en Suisse, et enfin en Afrique. Les femmes et Giacomo restent au village. Peu à peu le fascisme prend une place de plus en plus importante dans la vie du village et dans la vie des gens. Implications qui ne sont pas toujours visibles ni vraiment comprises… Et puis arrive la seconde...
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  • lafilledepassage 29/06/2021
    Voici une lecture attendue de longue date, car conseillée par Thomas Vinau, Primo Levi et Paolo Cognetti. C’est un portrait de l’Italie d’après la Grande Guerre, dans la région au nord de Vicenza, une région de montagne très disputée entre les belligérants et qui a longtemps porté les stigmates des combats violents. Rigoni Stern nous dit d’ailleurs que dans ces montagnes « la poudre à canon est plus abondante que les pierres ». La région est abandonnée par l’Etat et les fonctionnaires romains. Les habitants vivent de la terre et sont encore fortement tributaires de la météo. La misère est immense et la famine guette, alors les hommes immigrent dans les mines de Lorraine ou dans les grandes villes des Etats-Unis pour y bâtir les gratte-ciel. Ou alors ils s’enrôlent dans les rangs fascistes en plein essor et construisent les camps de vacances pour les jeunesses mussolinienne ou les mausolées pour célébrer les héros tombés lors de la Première Guerre. J’attendais un livre poétique. J’attendais des réflexions écologistes. J’attendais des propos humanistes. Mais point de tout ça, ou peut-être trop peu de tout ça, et je ressors déçue de ce premier récit de Mario Rigoni Stern.
  • Tel_Gael_Libertin 07/05/2020
    Lorsque Les saisons de Giacomo s’est retrouvé entre mes mains, je me suis sentie hésitante et intimidée. Je n’avais jamais lu de Rigoni Stern et pourtant, je le connaissais déjà si bien ! Allais-je retrouver sa voix teintée de neige alpine qui se mêlait à celle de mon père, ces soirs d’enfance où, avant de nous coucher, mon frère et moi avions le droit à quelques pages narrant les exploits des chasseurs-alpins, la misère infiltrant les chaumières cimbres et le réconfort de la polenta grillée ? Eh bien, oui. Propulsée dans les montagnes du Sud-Tyrol dans les années 20, je m’installe à la table de Giacomo qui vit avec sa mère, sa sœur et sa grand-mère. Son père est encore en France, travaillant comme manœuvre dans les mines lorraines. Mon arrivée dans la famille est facilitée par ce singulier narrateur, extérieur mais non omniscient, distant et d’une pudeur rare : jamais, au grand jamais, il ne se permet de pénétrer l’esprit des personnages pour en dévoiler les pensées. La dure réalité de la vie des montagnes du Haut-Adige fait du petit Giacomo un enfant rusé, plein de ressources et de rêves. Rêves de cinéma, rêves de chevaux qui galopent plus vite que le vent, rêves de glissades enneigées … rêves d’adolescent, blancs et purs, immédiatement éraflés par la griffe du Parti fasciste. Giacomo s’engage dans les Balilla très jeune en échange de l’uniforme, de chaussettes chaudes et surtout, d’une paire de skis avec lesquelles il dévale la colline des Laiten avec ses compagnons insouciants. C’est alors que la petite histoire de Giacomo et de sa famille croise la grande Histoire. Page après page, saison après saison, à mesure que les hommes et les femmes luttent contre la misère redoublant de malice pour survivre, le Parti national fasciste s’insinue dans la communauté jusqu’à devenir indispensable. Subrepticement, subrepticement, le parti du Duce confisque la plupart des postes jusqu’à devenir le seul employeur dans les montagnes. L’alternative est dangereuse : ceux qui ne souhaitent pas s’encarter se font récupérateurs. Arpentant les montagnes, ces trompe-la-mort fouillent le passé sanglant de la Première Guerre Mondiale, y trouvent cartouches et munitions à revendre, cadavres non identifiés et parfois quelque obus encore tout prêt d’éclater. Plus d’un récupérateur n’a jamais été récupéré. Et la mention « porté disparu » que leur affublent les autorités est une source d’angoisse pour les familles. En grandissant, Giacomo excelle à cette tâche périlleuse mais je comprends aisément que d’aucuns préfèrent un emploi plus calme quoique contrôlé par l’œil acerbe du Duce. La plume de Stern est douce, d’une douceur fatale, d’une douceur violente : les saisons passent, les hommes et les femmes se débattent pour survivre, beaucoup meurent et le Parti ne s’en émeut pas. J’ai envie de secouer le narrateur, de lui crier de se réveiller, de l’enjoindre de faire quelque chose. Pourquoi cette neutralité accablante ? Mais je finis par comprendre. La démarche de Stern donne une portée plus vaste à son ouvrage en nous rappelant que la famille de Giacomo peut aussi bien être celle de Nino que de Matteo ou bien de Mario ou Matteo … Et puis, c’est bien l’union de la distance narrative et de l’écriture douce et froide qui fait l’œuvre. Elle semble imiter l’infiltration insidieuse du fascisme en Italie, mettant au jour les agissements du podestat qui grignotent peu à peu la vie des hommes tout en endormant la moindre révolte. Subrepticement, subrepticement… Je m’y suis laissée prendre. Et je ne sors de cette lecture que plus révoltée que par le discours antifasciste le plus péremptoire. Je frémis d’autant plus en refermant le livre que je songe que mes ancêtres ont vécu ces ignominies. Les tranches de vies du Haut-Adige sont si proches de celles que me conte parfois ma grand-mère. Il faut dire que les cimbres sont voisins des frioulans et que la polenta, aussi bien que la soupe, ont le même goût dans ces deux régions. Je comprends alors ce cadeau de mon père : je sens entre ces pages la présence d’un grand-père que je n’ai jamais connu et jamais je ne m’en suis sentie aussi proche. À l’heure où j’écris ces lignes je ne suis plus bien sûre du titre : était-ce « Les saisons de Franco » ? Chronique complète en cliquant sur le lien de mon blog.Lorsque Les saisons de Giacomo s’est retrouvé entre mes mains, je me suis sentie hésitante et intimidée. Je n’avais jamais lu de Rigoni Stern et pourtant, je le connaissais déjà si bien ! Allais-je retrouver sa voix teintée de neige alpine qui se mêlait à celle de mon père, ces soirs d’enfance où, avant de nous coucher, mon frère et moi avions le droit à quelques pages narrant les exploits des chasseurs-alpins, la misère infiltrant les chaumières cimbres et le réconfort de la polenta grillée ? Eh bien, oui. Propulsée dans les montagnes du Sud-Tyrol dans les années 20, je m’installe à la table de Giacomo qui vit avec sa mère, sa sœur et sa grand-mère. Son père est encore en France, travaillant comme manœuvre dans les mines lorraines. Mon arrivée dans la famille est facilitée par ce singulier narrateur, extérieur mais non omniscient, distant et d’une pudeur rare : jamais, au grand jamais, il ne se permet de pénétrer l’esprit des personnages pour en dévoiler les pensées. La dure réalité de la vie des montagnes du Haut-Adige fait du petit Giacomo un enfant rusé, plein de ressources et de rêves. Rêves de cinéma, rêves de chevaux qui galopent plus...
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