Il avait fabriqué le terrain de football tout seul, avec le couvercle d'une boîte en carton. Il l'avait peint en vert et il avait tracé les lignes au feutre noir, et les buts étaient découpés dans des morceaux de bois récupérés sous l'appentis. Les filets lui avaient posé un problème, jusqu'à ce qu'il trouve deux petits sachets blancs qui servaient à mettre les plaquettes de lessive, et il les avait attachés soigneusement avec du fil. C'était bien. Il était content de lui. Maintenant, il allait réfléchir au moyen de construire les tribunes.« David ! Il est moins vingt. »David Angus se leva et contempla sa boîte, il resta devant, tâchant de visualiser, d'imaginer. Il ferma les yeux à moitié.« Et c'est Giggs, Giggs a le ballon, Giggs qui fait une passe, sur l'autre côté… »La foule rugissait.« David ! »Il soupira et attrapa son sac d'école. Il s'y remettrait ce soir.« Tu as du jambon et des concombres dans tes sandwiches, n'oublie pas de les manger, et la banane, avant d'avaler ton cake. Tu as enlevé le gras ? J'ai enlevé le gras. Il te faut de l'argent pour quelque chose, aujourd'hui ? »Il réfléchit. Un mardi ? Non, mais il faut que je rapporte le mot pour la sortie en histoire. Sur la table, devant toi. »Sa mère enfilait sa veste. Sa sœur Lucy était déjà partie, rejointe par deux amies, elles marchaient ensemble jusqu'à l'arrêt du bus scolaire, au coin de Dunferry Road. Maintenant, elle allait à Abbey Grange. David était encore à St-Francis.« Je suis en cours toute la journée, mais je sors assez tôt pour venir te chercher. Il faut qu'on aille t'acheter des chaussures. On peut aller prendre un milk-shake chez Tilly's, après ? Après. On verra. »Pourquoi fallait-il toujours qu'ils répondent d'abord « on verra », même quand ils savaient déjà si c'était oui ou non ? On verra, on verra… apparemment, ils pouvaient pas s'en empêcher.« Allez, petit bolide. »David ramassa son sac.Il ne pleuvait pas, ce fut tout ce qu'il remarqua. Pas de pluie, pas de froid glacial. Sinon, le matin, c'était le matin. Sa mère se mit au volant et tint la portière ouverte. David avança et se pencha à l'intérieur. Ça ne l'embêtait pas d'embrasser sa mère, ici, surtout quand elle était dans sa voiture. Il n'en aurait pas fait autant devant l'école. « Passe une bonne journée, petit bolide. On se retrouve ce soir. À plus. »Il attendit qu'elle s'éloigne au pas dans l'allée avant de s'engager dans la rue et de démarrer, puis il alla vers le portail, d'un pas lent. Son père était parti depuis une heure. Il était toujours à l'hôpital dès sept heures et demie. David posa son sac par terre et attendit, guetta la voiture. C'était la semaine de Forbes. Les Forbes avaient une Citroën Xsara bleu foncé. Ce n'était pas le meilleur voiturage, le meilleur, c'était la semaine des Di Ronco, quand leur monospace aux fenêtres teintées ralentissait à sa hauteur. Le père de Di Ronco avait fait partie d'un groupe célèbre des années quatre-vingt et il portait une grosse bague à chaque doigt et des côtelettes tatouées sur les deux joues. Le père de Di Ronco les faisait rire sur tout le trajet de l'école et il jurait avec des mots de quatre lettres.Des voitures filaient dans la rue, le dépassaient. Travail. École. Travail. École. Travail. École. Mondeo gris métal. Audi blanche. Ford noire. Ford gris métal. Rover 75 gris métal. Polo rouge. Hyundai vert vomi. Espace bleu. Ford Ka marron.Il y avait plus de voitures gris métal que d'autres couleurs, il l'avait déjà prouvé.Toyota Celica noire. BMW gris métal.En général, les Forbes n'étaient pas en retard. Pas comme les Di Ronco. Eux, ils étaient toujours en retard, une fois même d'une demi-heure, et le père de Di Ronco était juste entré dans l'école d'un air dégagé en sifflant et en braillant : « Ne commencez pas sans nous ! »Il essaya de se figurer M. Forbes faisant pareil et il faillit s'écrouler de rire.Il riait encore un peu quand la voiture s'arrêta à sa hauteur, il riait trop pour s'apercevoir que ce n'était pas la bonne couleur et que quelqu'un avait ouvert la porte et le tirait avec brutalité à l'intérieur. Les roues patinèrent, s'écartèrent violemment du trottoir.