Le voyant au-dessus de la porte restait obstinément rouge. Nigel jeta un regard inquiet à Kit qui ne voyait aucune raison pour que cela ne marche pas: il avait tout vérifié. – Je crois malheureusement que vous ne pouvez pas entrer là, lança soudain une voix de femme derrière eux. Kit et Nigel se retournèrent: Susan était plantée derrière eux, l'air toujours aimable, mais un peu inquiète. Elle devrait se trouver à la réception, se dit Kit, affolé. Elle avait encore une demi-heure avant sa prochaine patrouille… … À moins que Toni Gallo, bien sûr, n'ait doublé les patrouilles comme elle l'avait fait avec les gardes.Là-dessus, une sonnerie retentit: le voyant était passé au vert et la lourde porte pivotait lentement sur ses gonds motorisés.– Comment avez-vous fait pour ouvrir? s'inquiéta Susan d'une voix qui trahissait maintenant sa frayeur. Kit baissa machinalement les yeux vers la carte, volée, qu'il tenait à la main. Susan suivit son regard.– Vous n'êtes pas censé vous trouver en possession de ce laissez-passer! s'écria-t-elle, incrédule. Nigel s'avança vers elle, mais Susan s'enfuit en courant, aussitôt prise en chasse par Nigel. «Il est deux fois plus âgé qu'elle. Il ne la rattrapera jamais», ragea Kit dont la physionomie changea brusquement: Daisy sortait du couloir desservant la salle de contrôle. Elle ne manifestait aucune surprise devant la scène : la jeune femme se précipitant vers elle, Nigel sur ses talons, Kit pétrifié. Elle avait vu, sur les écrans de contrôle, Susan quitter la réception pour se diriger vers le BRN4. Elle avait réalisé le danger et s'apprêtait à y faire face. Susan aperçut Daisy, hésita puis continua, apparemment déterminée à forcer le passage. Daisy esquissa un sourire, prit son élan et lui envoya son poing ganté en plein visage, dans un bruit affreux, semblable à celui d'un melon tombant sur un carrelage. Susan s'effondra comme si elle avait heurté un mur de plein fouet. Daisy se frotta les phalanges d'un air ravi. Puis Susan se remit à genoux; les larmes ruisselaient sur son nez et sa bouche ensanglantés pendant que Daisy tirait de la poche de son blouson une matraque flexible d'une vingtaine de centimètres. (Des billes d'acier dans un étui de cuir, sembla-t-il à Kit.) Elle leva le bras.– Non! Laisse-la! hurla Kit. Daisy, sans l'écouter, abattit sa matraque sur la tête de Susan qui s'affala sans un cri. Elle s'apprêtait à frapper une nouvelle fois quand Nigel s'approcha et lui saisit le poignet.– Pas besoin de la tuer, tonna-t-il. À regret, Daisy fit un pas en arrière.– Salope, cria Kit, tu es folle! Et nous serons tous accusés de meurtre!Daisy examina le sang sur les jointures du gant de cuir clair et le lécha d'un air songeur.– Ça ne devait pas arriver! Qu'est-ce qu'on va faire d'elle maintenant? s'affola Kit. Ce corps inanimé, recroquevillé sur le sol, lui donnait la nausée.– La ligoter et la planquer quelque part, suggéra Daisy en réajustant sa perruque blonde. Le premier choc passé, le cerveau de Kit recommença à fonctionner.– Mettons-la à l'intérieur du BRN4, les gardes n'ont pas le droit d'y entrer, décida-t-il. – Occupe-t'en pendant que je cherche quelque chose pour la ligoter, ordonna Nigel à Daisy. Le portable de Kit se mit à sonner, mais il ne répondit pas, occupé à rouvrir la porte qui s'était refermée automatiquement. Daisy décrocha un extincteur pour la bloquer.– Non, tu déclencherais l'alarme.– L'alarme se déclenche quand on coince une porte ? s'esclaffa Daisy, incrédule.– Mais oui! expliqua Kit, exaspéré. Il y a ici des systèmes de contrôle de la pression atmosphérique, je le sais: c'est moi qui les ai installés. Alors, boucle-la et fais ce qu'on te dit!Daisy prit Susan sous les bras et la tira sur la moquette. Nigel ressortit du bureau avec un bout de fil électrique. Tous s'engouffrèrent dans le BRN4.