? Mais les livres, lui dis-je. Ils se suffisent à eux-mêmes. Je suis venu parmi eux comme vers un paradis, un royaume enchanté, une oasis dans le désert du monde. Marguerite Yourcenar dit quelque part qu'elle est entrée en littérature comme on entre en religion. Je ne suis pas entré en religion. J'ai découvert le plaisir. Et peut-être le bonheur. Et peut-être un peu plus que le bonheur: un monde plus beau et plus haut, le même que le nôtre et un autre, où tout était à la fois raconté et effacé, révélé et inventé, et toujours plus vrai que nature ? non seulement la gloire, les fêtes, les amours, les voyages, la violence et la haine, les trahisons, les bassesses, mais les temps morts de l'existence, ses ratés, son ennui, son dégoût et la mort. Les livres prenaient le relais de Dieu pour une seconde création qui doublait la première et qui la corrigeait.